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LE SERVITEUR

mêler aux foules que soulève la marée de la joie de vivre. Les fêtes ordinaires des hommes n’étaient pas pour toi. Leurs échos ne troublaient point ta sérénité intérieure, mais tu n’éprouvais pas le besoin de les entendre de plus près. Le renouveau même du printemps ne t’atteignait pas.

Et c’est ainsi que tu continues de dormir, insensible à la brise qui, peut-être à l’invitation de ce clair de lune, vient de se lever. Ne sens-tu pas frissonner les dahlias et les pensées qui parent ta tombe ? Les fleurs mêmes ne t’attiraient pas. Oublierais-je donc que tu mettais du fumier sur leurs racines ?

Mais je devine que tu me vois et que tu m’écoutes. Quand je fréquentais l’école maternelle que dirigeait sœur Marthe, les jours de grande neige tu m’y portais sur tes épaules. Le reste du temps tu m’y menais par la main. Tu ne pourrais plus me porter. Mais je peux encore te laisser me conduire à l’école de ta vie.