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LE SERVITEUR

Parfois pourtant il faisait froid et gris. Mais cela n’empêchait point « les populations » de s’y rendre à l’heure des vêpres. À ce moment-là tu étais occupé. Mais tu aurais parfaitement pu y faire un tour bien avant la tombée de la nuit.

Tu ne t’imagines pas ce que c’est. Comme sur le pont d’Avignon l’on y danse. Tout le monde danse sous les chênes du bois de Narvaux, un peu au-dessus de la vieille route de Corbigny. Il y a là Bonoron avec son violon qui n’est pas exactement accordé de quinte en quinte ; et Bonoron lui-même ne pince les cordes qu’au juger des doigts bien plus que de l’oreille, juché sur un tonneau vide qui résonne quand il le frappe du pied pour ne pas perdre la mesure.

N’importe ! Viens voir comme tout le monde se trémousse, jeunes et vieux ! Regarde comme les yeux brillent, comme les poitrines se soulèvent ! Est-ce le vent tout simple, ou le vent de la danse, qui retrousse ainsi jupons des jeunes et cotillons des vieilles ? Ils tournent tous, dans la joie du printemps, emportés par un tourbillon qui les entraîne et les laisse, à l’instant où la ritournelle casse comme une corde de violon, haletants et brisés.