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LE SERVITEUR

berge et quelques-uns même qui ont des idées de grandeur, au café. Il y a des soirs de contentement où ils se disent : Après tout, on n’en est pas à un sou près. Et, au café, ils paient six sous leur apéritif qui, à l’auberge, ne leur en aurait coûté que cinq. Mais ne sont-ils pas citoyens français comme le maire, comme tout le monde ? Et ils voudraient bien voir qu’on s’avisât de leur interdire l’entrée des cafés ! Parce qu’ils ont des sabots ? C’est quand ils affectent de les frotter sur le parquet qu’ils sont le plus fiers de ne pas porter de bottines.

Il ne te serait pas venu à l’idée de formuler de pareilles revendications. Tu n’y entrais que lorsque tu avais, ici et là, à présenter des traites. À la fin M. Teste s’était lassé de réparer des montres. Sa fortune personnelle l’autorisant à entreprendre de plus vastes opérations, il avait fondé une petite banque. Étant à la disposition de ceux qui t’employaient, tu devins garçon de recettes. Tous les cinq jours tu partais à une heure de l’après-midi avec une liasse de papiers et de la monnaie dans une sacoche. Les fins de mois, et surtout les fins de trimestres, et par-dessus tout les fins de semestres, tu n’avais pas