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de cette petite ville de trois mille âmes. Mais ne les injuriant point, ni ne les repoussant, tu ne me grondais pas quand à une femme qui paraissait malheureuse j’avais donné deux sous.

Mais ce n’est pas surtout te reposant au coin du feu, dans ton fauteuil, que je te revois. Pour rester assis, il fallait que tu fusses devenu incapable de travailler : jusqu’à ta soixante-septième année, tu n’avais pas gagné assez d’argent pour pouvoir vivre de tes rentes. Dernièrement on me disait de quelqu’un :

— Et puis, il n’est pas d’une famille riche : son père était colonel.

Tu n’aurais pas du tout compris. Tu aurais peut-être cru que l’on se moquait de toi. Pour ne les avoir point fréquentés, tu n’as jamais su qu’il existe des gens pour qui l’on est pauvre quand on n’a pas au moins vingt mille francs de rentes qui, bon an, mal an, vous tombent sans même que vous vous donniez la peine de détacher vos coupons : la banque à laquelle vous avez remis vos titres en dépôt se charge de le faire. Nous appartenions à cette catégorie de la société, nous, où l’on considère comme des riches, non pas même un colonel, mais le per-