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LE SERVITEUR

assez nombreux pour que vous ne mouriez pas de faim. Et puis, quand l’ouvrage manque ici, on peut en trouver là. Ainsi beaucoup parmi vous, suivant la saison, s’engagent pour des coupes de bois. Pendant des jours ils ne manient plus que la hache, la cognée et la scie : les voilà devenus bûcherons. Ils s’engagent aussi pour la durée de la moisson. La faux leur redevient familière, et voici qu’ils sont semblables aux paysans des villages. Beaucoup parmi eux boivent et fument. Ils connaissent le chemin des auberges et du bureau de tabac.

Dans les jardins des riches, les après-midi d’été, tu portais le poids de la chaleur sans te plaindre, puisque chaque heure de travail t’était payée cinq sous ; il te fallait rester penché douze minutes sur la terre pour gagner cinq centimes. Car tu n’étais pas de ceux qui flânent, s’en vont de droite et de gauche, bavardent avec les servantes, se dérangent même dix minutes pour aller boire un verre à l’auberge d’en face. Tu songeais qu’un verre de vin rouge coûte vingt-quatre minutes de travail. Tu n’entrais ni dans les auberges ni dans les cafés parce que tu savais le prix de l’argent, et que ni les