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LE SERVITEUR

soupe, tu rechargeais tes outils sur ta brouette. En route pour le jardin et le champ, jusqu’au moment où il fallait que fut sonné l’Angélus du soir, à la tombée de la nuit, vers huit heures et demie.

Parfois je t’accompagne. Nous marchons sur la terre chaude. Des chauves-souris passent. Nous savons que, lorsqu’on entend la cloche de Magny, c’est signe de pluie pour le lendemain. Je suis l’allée centrale du jardin ; je vais jusqu’au bout pour avoir devant moi vingt lieues de plaine accidentée. Je m’amuse à lancer mon regard de tous côtés, n’importe où, comme une légère balle de sureau retenue par un fil, que je suis sur de ramener toujours à moi. Aux approches du crépuscule, les bois se confondent avec les prés. De Marné, seuls les toits apparaissent, comme posés au ras du sol. L’église de Cervon montre juste le bout de sa flèche ; le coq, dans l’indécis des premières ombres, fait penser à un héron solitaire sur les marais. Toujours au hasard, la balle de sureau fait ricochet sur l’eau d’un étang, s’en va le long d’une route poussiéreuse, mais tout à coup revient parce que la route s’enfonce dans un bois où