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intellectuelle et morale. Nous croyons qu’il est indispensable à tous les hommes, pour leur développement, de connaître des noms et des œuvres de poètes, de philosophes, de musiciens, de peintres, de sculpteurs. Notre orgueil ne nous laisse point admettre que, sans le secours de personne, des saints se soient fait, de l’homme et de l’univers, une image qui vaut bien celle que, laborieusement et à coups de lectures, nous finissons par nous en tracer. C’était plus fort que moi : je ne pouvais me résoudre à te donner ces détails qui t’auraient fait si grand plaisir. Et tu es parti — qu’il en est souvent ainsi ! — sans me bien connaître, sans savoir ce qu’il y avait au fond de moi-même, puisque tu as demandé que je devienne bon. Mais ce n’est pas du tout ta faute.

Tu te tenais au coin du feu, dans un de ces vieux fauteuils en osier que ne vendent pas cher ces marchands ambulants qu’on appelle chez nous tantôt « bohémiens », tantôt « pacants ». Tu ne les aimais pas, ces hommes qui ne se fatiguent guère, toi l’acharné au rude travail, ces errants qui vont d’un bout à l’autre du monde, toi qui de trente années ne sortis point