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LE SERVITEUR

des tourelles pour faire figure de châteaux. Elle appartenait à une famille dont le fondateur était arrivé à Paris en sabots, sous le règne de Charles X. Mais sa destinée avait été différente de la tienne. Il avait pu acheter une étude d’avoué. Ses enfants et petits-enfants avaient marché sur ses glorieuses traces, et chaque été une nuée d’avocats et d’avoués, et de futurs avocats et avoués, s’abattaient sur les pelouses de la maison agrandie et transformée. Girard était dans le secret de ses hommes supérieurs puisqu’en leur absence il entretenait la maison et que, durant les vacances, il était promu à la dignité de cocher, soignant les deux chevaux et, dans un immense char à bancs, voiturant le long des routes ses maîtres, et leurs femmes, et leurs enfants, et leurs domestiques. Toi et moi, nous avions un certain respect pour Girard. C’eût été ton idéal de n’être attaché qu’à une seule maison. Puisqu’il en était autrement, tu ne te plaignais pas de ton sort.

C’étaient les Bide, à qui nous unissaient des liens presque imperceptibles de parenté. Bide ne travaillait pas comme toi chez les autres. Il avait assez de champs et de prés pour s’occu-