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qu’un roi dans son palais. C’en est une autre, plus petite, où tu n’as vécu que deux mois. Elle aurait fait plus que te suffire pendant des années, car tu étais content de l’avoir.

C’est tant qu’il en faut pour nous, m’écrivais-tu. Oui : c’était « tant qu’il vous en fallait. » Mais, maintenant que tu n’y es plus, la petite maison s’est tout à coup agrandie. Ton fauteuil est encore au coin de la cheminée, mais il tend les bras vers l’éternité.

Pour te voir, il faut aujourd’hui aller plus loin que la gare, plus loin que la maison. Il faut suivre le sentier qui, entre des haies et des murs de jardins, monte au cimetière. J’ai dû attendre que la nuit fût venue, puisqu’il faut d’abord s’occuper de soi et des vivants tout en pensant aux autres, je veux dire : à toi, et à ceux parmi lesquels tu es descendu. Les portes du cimetière étaient fermées, mais j’ai l’habitude d’escalader son mur bas. J’ai marché entre les tombes.

Elles ne se ressemblent pas toutes. Il y en a dont seuls une petite croix de bois blanc et un renflement du sol indiquent la présence ; d’autres sont surmontées de monuments que je me gar-