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IV

C’est ici, entre la maison et le champ, que tu as vécu trente années de ta vie.

De bonne heure tu avais pris l’habitude de ne point flâner au lit, hiver comme été levé avant les poules. C’était toi qui leur ouvrais la porte. Elles saluaient leur délivrance en jacassant comme des femmes. Je ne suis pas sur que tu n’aies jamais causé avec elles. Nous ne craignions pas les incursions des renards, mais il y avait d’autres renards qui, la nuit, ne se gênaient guère pour ouvrir avec leurs mains les portes des poulaillers. Alors tu comptais nos poules. Elles défilaient devant toi comme à la parade. Je sais que tu t’amusais à les regarder l’une après l’autre, chacune avec ses petites manies de personne grave et mûre, ou de personne évaporée, ou de personne facilement apeurée. Il y eut une période où nous en avions trois,