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siècles du moyen âge, il y à une époque de préparation, de même qu’il y à une époque de transition entre-le moyen âge et la Renaissance ; le xvi° siècle, à son tour, est remplacé par une période intermédiaire, d’où sortira le grand travail d’idées dont Lessing est le promoteur. Ce n’est pas tout ; chacune de ces périodes peut se subdiviser encore. Il est diílicile, par exemple, de ne pas distinguer la période gothique et la période franque pendant ces longs siècles obscurs qui précèdent l’épanouissement du moyen âge ; et plus tard, au milieu de la magnifique explosion du xvm° siècle, comment ne pas reconnaître deux mouvements séparés, deux campagnes littéraires bien différentes, la première inaugurée par Lessing et Klopstock, la seconde que remplissent les œuvres de Gœthe et de Schiller ? Si l’on tient compte de toutes ces différences, on reconnaîtra neuf périodes dans l’histoire littéraire de l’Allemagne : «

1° Période gothique : - constitution de l’alphabet ;ila Bible d’Ulphilas ; - du milieu du iv” siècle au milieu u vu’ ;

2° Période franque : - élaboration obscure ; - traditions nationales ; - chants primitifs ; - du milieu du vu’siècle au milieu du xufl ;

3° Période brillante du moyen âge : - de la seconde moitié du xu° siècle à. la seconde moitié du x1v° ; -4° Période de transition entre le moyen âge et la Réformation : - du milieu du xlv° siècle au commencement du xvifl ;

5° Période de la Renaissance et de la Réformation :tout le xvi* siècle ;

6° Période de transition entre la Réformation et le xvm° siècle : de 1600 a 1730 ;

à rôgommencement de la grande période : - de 1730 7 :

8° La grande période : - des débuts de Gœthe jusqu’à sa mort, 1767-1832 ;.

9° La littérature contemporaine : - de la mort de Gœthe jusqu’à nos jours, 1832-1860..

Premtère période (360-650). - Le plus ancien monument de la littérature germanique est la traduction de la Bible par l’évêque des Goths Ulphilas (318-388). Des découvertes accomplies de nos jours par l’érudition allemande et italienne nous ont fait connaître d’une manière assez précise la vie de ce vénérable personnage, qui ouvre si noblement l’histoire littéraire de l’Allemagne. Sans vouloir retracer ici la biographie d’Ulphilas, rappelons seulement qu’il remplit.le iv* siècle de ses immenses labeurs, qu’il convertit les Goths au christianisme, qu’il consacra sa vie entière à la prédication de l’Évangile, bi-avant mille dangers pour accomplir sa mission, et que les premiers documents de la langue des Germains attestent en même temps le prosélytisme généreux du vieil évêque. L’histoire de la langue et des lettres germaniques se confond ici avec l’histoire d’un homme. Ulphilas a-t-il été, comme le veut la tradition, l’inventeur de l’alphabet national ? Il est probable qu’il avait constitué cet alphabet avec les caractères runiques de l’ancienne écriture des Germains, modifiés et complétés par d”habiles emprunts à la langue grecque. Sa Bible était un livre populaire ; les Wisigoths, dans le mouvement des invasions, la portèrent en Italie et en Espagne. On en comprenait encore le texte au commencement du Ix’siècle. A partir de cette date, le souvenir d’Ulphilas et de son œuvre disparaît avec la langue gothique elle-même, et il faut attendre environ huit siècles avant que ses traces soient retrouvées. C’est vers la fin du xvi’siècle qu’un savant belge, Arnold Mercator, employé au service du landgrave de Hesse, Guillaume IV, signale aux érudits un livre en parchemin appartenant à l’abbaye de Werden, et contenant, disait-il, une vieille traduction allemande des quatre Évangiles. De l’abbaye de Werden, le précieux manuscrit passa bientôt à la bibliothèque de Prague ; puis, quand cette ville fut prise, en 1618, par le comte de Kœnigsmark, le vainqueur mit la main sur le trésor et l’emporta en Suède. On le voit aujourd’hui à Upsal, magnifiquement relié en argent massif ; les enluminures du parchemin, les lettres tracées en argent sur un fond de pourpre, offrent un curieux spécimen de l’art gothique, en même temps qu’elles attestent la vénération des Goths pour l”œuvre de leur apôtre. On l’appelait dès le xvi* siècle le Manuscrit d’argent, à cause de la couleur des lettres ; u manuscrit d’argont, dit un germaniste du dernier siècle, manuscrit d’or, si on en considère la valeur (Argentei, si pretium spectes, ocre aurci diccndi, codicis). » En 1817, le cardinal An.aelo Mai, fouillant les sors de la bibliothèque ambrosienne, à. Milan, y dé-Dic-r. uns Lnrrnzzs. ’

couvrit de vieux manuscrits gothiques, qui avaient été recouverts plus tard d’une écriture différente : un savant italien, M. le comte de Castiglione, prétant à M. Mai le secours de son érudition, prouva que c’était la un nouveau fragment de la Bible d’Ulphilas. Ces palimpsestes de Milan, qui venaient du monastère de Bobbio, r enfer niaient une épitre entière de S’Paul, des fragments de diverses épitres du même saint, des parties de l”Évangile de S’Matthieu, et quelques passages des livres d’Esdras et de Néhémie. On n’a retrouvé ni les Actes des Apótres ni l’Apocalypse. Quant aux fragments de l’Ancien Testament, si ce ne sont que des débris épars, ces débris sont assez imposants pour faire apprécier le zèle du vaillant évêque et la beauté de son œuvre. Une curieuse tradition rapporte qu’Ulphilas, en traduisant la Bible, avait supprimé volontairement le Livre des Rois, craignant que tous ces récits de batailles n’en llammassentl’magination des Goths, et que leur humeur guerrière se réveilla ut ne ramenat les mœurs barbares. La précaution fut inutile ; quelques années après la mort d’Ulphilas, les Goths dévastaient l’empire et saccageaient Rome. Mais leurs lois, leurs établissements, leur prompte initiation à la culture antique, les grandes monarchies qu’ils fondèrent au nord et au sud des Pyrénées, prouvent bien que la barbarie n’avait pas été inutilement combattue chez eux, et que la parole d’Ulphilas vivait encore dans leur souvenir. Nous nous sommes un peu étendu sur la Bible d”Ulphilas, parce que ce monument remplit à lui seul toute la période gothique. Si l’on cite encore dans cette période d’autres écrits religieux, traductions ou explications des livres saints, par exemple une paraphrase de l”Evangiie de S’Jean, composée sans doute par un disciple d’Ulphilas, ces fragments ne font qu’attester l’inl’luence prolongée du vieil évêque. Nous ne parlerons pas d’un calendrier ni de plusieurs signatures et attestations en langue gothique, lesquels se trouvent à la suite de contrats de vente conclus en Italie entre des Romains et des Goths : de tels documents n’ont d’intérêt que pour la pure philologie. A ceux qui voudraient plus de détails sur Ulphilas et la période gothique, nous indi ucrons le savant ouvrage de M. Georges Waitz, Ueber alias Leben und día Lehre des Ul/ila, Hanovre, 1840 ; le livre de M. Massmann, intitulé Gotthicaminora ; l’édition d’Ulphilas, par Zahn ; l’édition plus récente et plus complète de M. Loebe et de Gabelentz ; et enfin le docte Mémoire de M. Adolphe Régnier : Recherches sur l’histoire des langues germaniques et sur les modifications quelles ont éprouvées depuis le milieu du rv* siècle jusqu’à nos jours, Paris, 1853. Deuxième période (650-1137). - La seconde période, ou période franque, se déploie dans le pays des Francs, dans l’Austrasie surtout, sous les derniers Mérovingiens, et pendant toute la durée de la dynastie carolingienne ; elle se prolonge ensuite dans la partie occidentale de l’Allemagne, après que Favénement de Hugues Capot a consacré l’avènement d’une’France nouvelle et rejeté hors de son sein l’élément germanique. Le point culminant de cette période, c’est le règne de Charlemagne et celui de Louis le Débonnaire. Nous rencontrons d’abord, dès le vus et le Vlll° siècle, la trace des vieilles traditions nationales, le souvenir des grands chefs et de leurs belliqueuses aventures, l’indication de chants populaires sur Théodoric et ses compagnons, maintes légendes guerrières, maintes ébauches d’épopée qui, remaniées un jour dans un age plus cultivé, produiront les vieux ppemes dont l’Allemagne est fière. Charlemagne, dit Eginhard, recueillit d’anciens chants barbares, et les confia ainsi à la mémoire des hommes. Un de ces chants, selon toute apparence, était ce poëme intitulé Híldebrand et Hadubrand, ou plutôt, pour employer les vieux noms germaniques, Hildibraht et Hadhubraht ; morceau véritablement terrible, oùéclate toute la sauvage énergie des hommes de l’invasion. A côté des poëmes barbares, il y a les poëmes chrétiens : l’un, qui porte ce titre, le Sauveur (Heliand), a été composé, soit par un moine d’origine saxonne, à la demande de Louis le Débonnaire, soit par Louis le Débonnaire lui-même ; dans tous les cas, il appartient certainement au ixfl siècle, et il était destiné à la conversion des Saxons. Un autre poème, le Christ, dédié à l’un des fils du même empereur, est l’œuvre du moine Otfried, qui vivait au rx’siècle, dans le pays qui est aujourd’hui notre province d’Alsace. C’est encore au 1x° siècle qu’il faut rapporter le chant intitulé Ludwigslied, où est célébrée la victoire que Louis III, roi de Neustrie et d’Austrasie, remporta sur les Normands en 881. On cite enfin dans la même période plusieurs fragments très-curieux : une prière en vers, connue sous le nom de Przère de Wesso6