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sée philosophique s’enveloppe de mystères et se couvre de symboles. Les principes abstraits de la science se personnifient dans les noms des dieux, des démons, des génies, des héros.’ » (Vxcmznor, École d’Aleacandrie.) Cette transformation s’explique par la nécessité de lutter contre le christianisme, qui menaçait d’absorber le monde ancien et la philosophie comme la religion, les arts et la littérature. Le néo platonisme, par son esprit, se rapprochait beaucoup des dogmes du spiritualismecluétien ; mais, par la même qu’il était une philosophie, il lui répugnait de se laisser imposer une doctrine révélée ; il était d’ailleurs essentiellement grec par son origine. La religion nouvelle ne se prêtait nullement à une interprétation libre ; elle s’imposait et faisait taire la raison devant l’obscurité sacrée de ses mystères. La religion paîenne, au contraire, vague, nullement fixée et constituée, déjà altérée et défigurée par les poëtes, se pliait facilement à. une explication qui seule pouvait la sauver. La philosophie grecque, tout en attaquant les fables immorales des poëtes, avait respecté les antiques traditions. Le pythagorisme touchait aux anciens mystères, et Pallégorie joue un certain rôle dans les écrits de Platon. Ainsi s’explique cette alliance. Au fond la philosophie et la religion grecques se sentent en face d’une puissance qui va les engloutir et fonder un monde nouveau. (Io., ib.) ›

Cette entreprise de restauration des vieilles religions parla philosophie, même à l’envisager d’une manière purement humaine, était impuissante par bien des raisons. Le polythéisme avait cessé de vivre comme croyance, ou plutôt il n’avait jamais vécu que dans l’imagination des hommes, et comme culte national. Religion toute poétique, transformé de bonne heure par les poëtes, il n’avait jamais eu de dogme fixe. La philosophie elle-même n’avait pas peu contribué a le ruiner ou’a le discréditer. Pas de société religieuse ni de sacerdoce, ou un sacerdoce otficiel, sorte de magistrature civile et politique, un -système religieux sans homogénéité, composé d*une multitude de fables contradictoires, altérées et modifiées au gré de l’imagination poétique, sans titre sérieux au respect des peuples, et dont l’élément moral est absent, ou dont Fimmoralité est évidente ; sa partie sérieuse, les mystères, ignorée du grand nombre, retenue dans l’ombre des sanctuaires ou livrée à un petit nombre d’initiés. Quelles conditions pour engager la lutte contre une religion jeune et pleine d’enthousiasme, soutenue par une morale sublime, qui s’adresse a tous comme elle répond a tous les besoins de l’âme, et capable de régénérer la société ; dogme dont la métaphysique profonde, fixée par les conciles, est soustraite à la curiosité comme aux variations de la raison humaine ; religion scellée par le sang des martyrs ;’qui réhabilite la nature humaine, proclame une idée nouvelle, la charité, et par la fonde une société nouvelle. A la place des incarnations capricieuses du polythéisme et des métamorphoses des poëtes, un Dieu fait homme, proposé comme modèle a l’humanité souffrante et réhabilitée. Que de motifs condamnaient au néant la tentative des Alexandrins ! Ils crurent cependant cette restauration possible et s’y dévouèrent. Dans ce but, ils s’allièrent au pouvoir politique, qui défendaitlempire et les vieilles traditions. Julien représente cette alliance ; il’est le héros de cette lutte. Disciple de l’école d’Alexandrie, il a plusieurs de ses mérites comme de ses défauts. On ne peut nier qu”il ait déployé de grandes qualités comme empereur, comme général et administrateur, et même comme écrivain. Esprit à la fois enthousiaste et réfléchi, politique habile, plein de finesse, joignant la ruse a l’audace, d’une activité infatigable, d’une indomptable énergie, il entreprend avec ardeur cette restauration du polythéisme, et fait un suprême effort par lequel la vanité de l’entreprise est démontrée. Il était impossible de réveiller la foi dans les ames, comme de ramener le peuple dans les temples déserts, et de rajeunir les formes de l’ancien culte. En inventant une nouvelle persécution, en interdisant aux chrétiens l’étude des lettres profanes, Julien consommait lui-même la ruine de ce qu’il voulait rétablir. Avec lui l’école d’Alexandrie engage son dernier combat et succombe. A sa mort, le rôle politique de cette école est fini. Persécutée à son tour et dispersée, elle va chercher ailleurs un asile, et rentre dans la vie spéculative. On connaît la fin tragique d’llypathie, la destruction des temples et les sanglantes représailles de la populace d’Alexandrie. Chassée de son siège principal, la philosophie retourne dans sa première patrie, à Athènes, où la protègent encore d*anciens souvenirs et les traditions. La elle reprend 67 A LE

l’œuvre paisible de ses premiers philosophes, des Plotin et des Porphyre ; sa tache, eri effet, n’était pas encore achevée ; outre qu’il y avait des points à approfondir, des détails à. perfectionner, des questions non résolues, des recherches incomplètes, le néo platonisme avait apporté un esprit nouveau analogue au christianisme, un idéalisme original et profond, qui, continuant la pensée des grands philosophes de la Grèce, essayait de concilier leurs doctrines. Cette œuvre, si brillamment commencée, et interrompue par les nécessités d’une entreprise impossible, devait être reprise et menée à sa fin. Il y avait a étendre les analyses, à poursuivre la critique des, systèmes, à trouver un lien plus’ferme et plus intime, a démêler le vrai du faux dans ces doctrines, à agrandir le cercle de ces travaux comme à les approfondir, à coordonner et a fondre ces éléments dans une plus vaste synthèse, parla à résumer et a clore l’œuvre totale de la philosophie grecque continuée sans interruption pendant dix siècles. Ce fut le caractère spécial de la dernière période et la destination de l’école d’Athènes. C’est le caractère des travaux de Syrianus et surtout de Proclus, le plus grand et le dernier représentant de l’école d’Alexandrie.

Troisième période. Exclue du centre de l’empire et réfugiée en Grèce, l’école d’Alexandrie cherche à se rajeunir au berceau même de la philosophie, à. s’inspirer et a se vivifier aux sources de la littérature hellénique. La s’était conservé, affaibli mais révéré, le culte de l’antiquité. Moins mystique et moins enthousiaste, moins féconde aussi, mais plus savante, plus exercée et* réfléchie que la première école, elle excelle à tout comprendre et a tout expliquer. Mais elle se perd souvent dans les subtilités d’une analyse poussée a l’excès ; elle crée des entités et réalise des abstractions, dont elle forme un monde intermédiaire entre les êtres réels et leur principe immuable et infini.,

La filiation de ses philosophes, Plutarque, Syrianus, Proclus, leurs rapports avec les prédécesseurs, sont difficiles à établir, quoique la tradition soit manifeste. Plutarque (d’Athènes) eut pour disciple Syrianus. Celui-ci entreprit d’opérer la fusion des systèmes, en particulier de Platon et d’Aristote, a l’aide d’une explication ingénieuse qui porte sur les points les plus ardus de la métaphysique de ces philosophes. Mais cette œuvre difficile de conciliation était réservée surtout à Proclus. Proclus avait. tout étudié, tout comparé, tout approfondi et tout compris. Préparé par d’immenses études, et fort des ressources de son génie, joignant à une science incomparable un sens critique supérieur à. celui de Plotin, il entreprit ce vaste éclectisme qui devait accorder ensemble tous les éléments des systèmes et des croyances de l’antiquité. Sa méthode, identique au fond, difière quant à. la forme de celle de Plotin ; elle est plus didactique et plus régulière ; plus analytique, elle pénètre davantage dans les détails. Il a moins de spontanéité et de fécondité dans les vues ; mais il excelle dans l’analyse et l’exposition des idées. Il ne sait pas se défendre des inconvénients de l’abstraction et pousse trop loin les distinctions. Sa méthode est toujours celle du mysticisme appuyé sur la dialectique et la tradition. Ses ouvrages ont la forme de commentaires ; ce sont des commentaires des principaux dialogues de Platon, entre autres du Parménide et du Timée. Son système diiïère en plusieurs points de celui de Plotin ; mais les bases essentielles sont les mêmes. La théologie en est l’âme. Sa théorie des facultés humaines est vraie et profonde en beaucoup de points, malgré les défauts inhérents au mysticisme. En général, il répand de vives lumières sur tous les sujets qu’il aborde. Sa théologie, moins exclusive, admet l’accord de la raison et de l’expérience. Sa cosmologie, avec de grandes vues, contient toute une partie chimérique, invention de la dialectique qui crée des êtres abstraits et les multiplie à l’infini, et place ces intermédiaires entre Dieu et la nature, sous le nom de triades et d’unités divines, divisant et subdivisant ainsi a l’inflni le monde intelligible : œuvre subtile où se perd le génie de l’abstraction. Dans sa doctrine mythologique, Proclus est le premier qui ait embrassé l’ensemble du système des mythes du polythéisme. Il reproduit ici et développe avec une clarté supérieure les solutions indiquées par Plotin, ’Porphyre et Jamblique. Proclus a organisé définitivement le système alexandrin ; avec lui ce système est achevé. Ses successeurs ne font guère que perfectionner quelques points de détail sans importance, plutôt à. la façon des commentateurs. Tel est le caractère des écrits de Marínus, de Damasems. d’Olympiodore, de Símplicíus. Maxinus a laissé une Vio