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remment, que Dieu est muable ou qu’il y en a plusieurs. Lorsqu’il entend Moïse dire : « Dieu est un feu dévorant » (Exod., xxiv, 17), il devient mage, car il conçoit le feu que les mages adorent ; et s’il entend le prophète Daniel dire : « Il est l’Ancien des jours et ses cheveux sont blancs comme la laine pure » (Dan., vii, 9), il croit que Dieu est très vieux ; de même, s’il entend Ézéchiel dire : « Il est du milieu du corps jusqu’en haut tout en feu comme le lapis-lazuli, et du milieu jusqu’en bas en feu » (Ézech., i, 27), il imagine que Dieu a été changé de ce qu’il était, ou qu’il est différent de ce que Daniel a vu et que Moïse avait déjà nommé. Quel malheur de voir ces trois choses troubler le cœur du fidèle !

De plus, s’il entend le Christ lui-même dire qu’il est la porte (Joan., x, 7), il le croit une porte matérielle, et s’il l’entend dire qu’il est la vigne (Joan., xv, 1), il pense qu’il a été changé ou qu’il est un autre Christ différent, et ainsi de suite. Il lui est donc nécessaire de suivre le sens propre du livre en ce qui concerne l’essence de la religion, autrement il n’y aurait plus de culte.

S’il en est ainsi, l’Église du Christ devrait être nécessairement l’une de ces églises dont chacune prétend avoir seule la vraie doctrine chrétienne.

Mais, que doivent faire les gens vulgaires, les paysans, et tous les hommes en général, qui ne comprennent pas ces vérités que le Christ leur ordonne de croire de la façon qu’il a voulu ? Dirons-nous qu’il leur demande l’impossible ? Non ; autrement sa descente du ciel et l’effusion de son sang pour eux leur seraient inutiles et même nuisibles : mais comme il n’exige pas cela d’eux, il ne leur demande pas l’impossible, car nous savons bien que, pour la plupart, leur intelligence ne peut pas comprendre tout ce qu’ils doivent savoir. Comment faire donc pour trouver une voie à la portée de leur intelligence, de façon qu’en la suivant ils arrivent tous à la possession de cette vérité ?

Nul hérétique ne connaîtra jamais cette voie et ne pourra la suivre ; il ne possède rien de la vie que la parole qu’il suit comme dans l’obscurité pour tromper et séduire les simples ; il bavarde afin que les simples, en l’entendant, croient qu’il est la source de la sagesse ; il les gagne à son parti en proférant des paroles