Pres de leurs dons j’ay méprisé
Tout ce que le commun honore,
L’honneur et le bien tant prisé
Et tout ce que le monde adore :
Pauvre et libre j’ay mieux voulu
Poursuivre leur mestier eslu.
Volant par le Gaulois païs,
Jeune de ma louable emprise,
J’ay mieux voulu rendre ébahis
Ceux-là dont la voix m’autorise,
Desquels si gloire je reçoy,
La plus part, Dorat, est à toy.
Et que sert monceaux amasser
D’or et d’argent, quand nostre vie
Fresle et verrine à se casser
N’en permet jouyr ? quelle envie,
Aveugles avaricieux,
Vous ronge vos cœurs vicieux ?
Ah chetifs ! ne sentes-vous pas
La pale mort triste-riante
Qui vous talonne pas à pas,
Et de tous vos biens vous absente ?
Et que porterez-vous au cercueil
Fors un miserable linceuil ?
Seul linceuil, que le fossoyeur
Ne lairra pas pourrir ensemble
Quant et vous ! sur qui, ô douleur !
Un tas de vers desja s’assemble :
Mais qu’avous au monde acquesté,
Qui témoigne qu’ayez esté ?
Ô que l’homme est bien plus heureux,
Qui tient à mépris vos richesses :
Et jouit du bien doucereux
Qu’élargissent les neus Deesses.
Tandis que du jour jouissez
Semblables à l’or palissez.
Mais nous pendant que nous arons
Respit de la Parque gloutonne,
Page:Baïf - Euvres en rime, t. 2, éd. Marty-Laveaux, 1883.djvu/174
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