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Sans mes nerfs lasches employer,
À ce qui les face ployer.
Peut estre qu’avec l’âge un jour
Les neuf Sœurs me feront la grace,
Que de me donner à mon tour,
Dorat, non la derniere place,
Entre vous qui d’un oser beau
Vous ceignez d’étranger chapeau.
Tandis ma force cognoissant,
Non le dernier de nos Poëtes,
Ains de pres les premiers pressant,
Les chansons que jeune j’ay saittes
Par les François je chanteray,
Et tes honneurs je ne teray.
À peine estant hors du berceau
Je ne teray qu’en mon ensance,
Au bord du chevalin ruisseau
J’allay voir des Muses la dance,
Par toy leur saint Prestre conduit
Pour estre à leurs festes instruit.
Là tour à tour les saintes Sœurs,
Qu’ainsi comme Apollon leur guide,
Sous tes ravissantes douceurs,
Du long de l’onde qui se ride,
Tu conduis cueillans des rameaux
En leurs lauriers tousjours nouveaux :
En vindrent aplanir mon chef,
Deslors m’avouant pour leur prestre,
Que guarenti de tout mechef,
Fait grand depuis je devois estre :
Car puis le tems que je les vy
Autre mestier ne m’a ravy.
Tousjours franc depuis j’ay vescu
De l’ambition populaire,
Et dans moy s’est tapy vaincu
Tout ce qui domte le vulgaire :
Et confiant aupres de leur bien
Je n’ay depuis estimé rien.