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de l’occupation allemande. Les habitants sont presque tous demeurés chez eux. Et, chose curieuse, après les premières émotions causées, ils ont témoigné leur sympathie aux soldats français en les volant à tour de bras. Si on les laisse continuer leur petit commerce ces gens-là trouveront le moyen de gagner une fortune en quelques mois et de se faire indemniser par l’État pour les dévastations commises.

Je sais bien qu’à l’intérieur des fortunes plus scandaleuses se seront édifiées, mais, nous autres, nous en sentons moins directement les effets.

Voici quelques exemples qui te donneront une idée de l’exploitation dont nous sommes victimes. Le paquet de tabac de 0.60 fr était vendu 1 franc ces jours derniers. La bouteille de vin qui d’abord s’est vendue 1.60 franc se payait 6 francs, huit jours après. Le camembert coûte 3 francs et 38 sous. Et rien ne reste, tout s’achète, je te l’assure. Cela s’explique aisément : les soldats qui reviennent d’une attaque ou qui sont restés 10 jours dans la tranchée sans rien dépenser, se jettent comme des loups affamés chez les commerçants, une fois arrivés au cantonnement.

Oui, mais des mesures sérieuses devraient être prises pour interdire de telles pratiques. Le meilleur moyen pour les faire cesser serait de les interdire de les réprimer énergiquement, en même temps qu’on instituerait des coopératives bien achalandées qui suivraient les armées.

Mon vieux Pierre, je m’arrête : le froid ne me permet plus de tenir le porte-plume. Présente mes respects à Mme Diot. Je t’embrasse.

Marx Dormoy