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Quelques jours après, Oberlin revint de Suisse, beaucoup plus tôt qu’on ne l’attendait. Ce retour frappa Lenz, qui, pourtant, devint gai quand Oberlin lui eut parlé de ses amis d’Alsace. Puis Oberlin alla çà et là dans la chambre, déballant, arrangeant. Il parla de Pfeffel[1] et dit que la vie d’un pasteur de campagne lui semblait heureuse. Sur quoi il l’exhorta, pour se soumettre au désir de son père et pour vivre conformément à sa vocation, à retourner chez lui. Il lui dit : Honore ton père et ta mère, et beaucoup de choses de ce genre. À la suite de cette conversation, Lenz fut violemment troublé ; il soupirait profondément, les larmes jaillissaient de ses yeux, il parlait par saccades. « Oui, mais cela est au-dessus de mes forces ; voulez-vous me chasser ? Ce n’est qu’en vous que se trouve la voie vers Dieu. Mais c’en est fait de moi ! Je suis un apostat, maudit pour l’éternité, je suis le Juif-Errant. » Oberlin lui dit que pour cela était mort Jésus, qu’il devait se tourner vers lui avec ferveur, et qu’il aurait part à sa grâce.

Lenz releva la tête, tordit ses mains et dit : « Hélas ! hélas ! consolation divine. » Puis soudain

  1. Écrivain alsacien né à Colmar en 1736, mort dans la même ville comme président du consistoire, en 1809. Depuis l’âge de vingt et un ans il était complètement aveugle. De ses nombreux ouvrages, écrits la plupart en allemand, ses Fables seules ont conservé quelque réputation. (Note du traducteur).