Versification et formes de langue. — Comme tous les romans en vers du cycle breton, le nôtre est composé en octosyllabes à rime plate. L’ancien couplet de deux vers, en usage jusqu’à Chrétien de Troyes, est souvent brisé, et les vers ont une allure libre et variée. Il y a, comme dans beaucoup d’autres poèmes du XIIe siècle, mainte rime imparfaite ; il y a même, ce qui est plus rare, des rimes inexactes, appariant avant r (vers 843-4, 1211-2, 3845-6, peut-être aussi 2497 et 2832) un o ouvert et un o fermé.
Les règles traditionnelles de la déclinaison à deux cas sont mal observées. Les voyelles nasales an et en, la voyelle e et la diphtongue ie, les consonnes s et z (sauf dans un petit nombre de formes analogiques) ne sont pas confondues ; l’o fermé libre n’est pas diphtongué sous l’accent. Les deux diphtongues formées d’un o ouvert ou d’un o fermé et d’un i sont accouplées aux vers 1433-4 (parroise-angoise) et 4319-20 (doiz-jagloiz). Un ancien ei et un ancien oi ne sont qu’exceptionnellement mêlés à la rime des vers 2929-30 (joie-gerroie, si l’on s’en tient à la leçon du manuscrit) et 3265-6 (oient-conbatroient)[1]. Dans la première partie le pronom li (1075, 1225) et nuit (722), partout sire (86, 181, 426, 989, 2581, 3357, 4212), enpire (2026, 3054), probablement sui [2146, 3628] riment en i ou en ui. D’accord avec mainte graphie, trois ou quatre rimes (2803-4, 2881-2, 3021-2 et peut-être encore 3965-6) nous attestent, au moins pour la seconde partie, les prononciations septentrionales k et ch, au lieu du ch et du c familiers à la grande majorité des Français. Au moins dans la première, e ouvert libre suivi d’u atone, e fermé entravé suivi d’une l vocalisée, o ouvert libre sans aucune restriction, semblent avoir été prononcés u sous l’accent : feu rime avec vestu (153-4), hues avec sus (1209-10), sut (*sequit) avec connut (1541-2) ; aqeut avec porseut (2155-6) et peut-être veut avec estut [1301-2] ; Iseut avec veut (607-8, 829-30, 2117-8, 2659-60, 2673-4) ; deus (nom. sg. de duel) avec eus (1993-4) et fors (1455-6).
Rien ne justifie l’ancienne opinion que la langue de notre poème ne serait pas du français continental. Quoique certaines rimes des plus caractéristiques se trouvent, pour ainsi dire, cantonnées dans
- ↑ Peut-être encore aux vers 1677-8, si l’on accepte la conjecture de Suchier indiquée dans les Notes critiques.