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la psychologie de la race allemande

gauche de son assiette ses deux robustes coudes bien écartés ; sa loyale poitrine s’étant inclinée, ses larges pectoraux s’appuient alors sur le bord de la table, et la ligne superbe de son dos apparaît comme un arc puissant. Ainsi posé, inébranlable sur sa vaste base, le voilà prêt à montrer comment l’Allemand, suivant une expression qu’il a inventée, la « Gründlichkeit », sait faire tout ce qu’il entreprend soigneusement, méthodiquement, à fond. Les devoirs gastronomiques, comme tous les autres, seront remplis avec conscience, sérieux, énergie.

De son poing gauche fermé, il saisit la fourchette, en agrippe le morceau de viande, le transperce, le fixe sur la faïence, le pouce contracté ; puis du poing droit, armé du couteau, coupe une tranche, qu’il charge sur la lame pour la porter à sa bouche. La fourchette, toujours piquée, n’abandonne sa proie qu’après complet engloutissement.

À la viande succèdent les légumes. N’ayant plus à trancher, l’énergie n’étant plus indispensable, il desserre gracieusement l’étreinte de la main gauche, et sur le couteau, tenu plus légèrement, pousse haricots verts, choux ou petits pois, qu’il réussit à faire tenir en équilibre sur la lame, jusqu’à ce qu’elle enfourne sa charge. Le couteau, du reste, n’a pas grand chemin à faire, car l’Allemand n’élève pas la nourriture à sa bouche : il se courbe vers elle. Son visage se penche vers sa pâture comme un mufle de bœuf broutant ou un museau de chien lapant dans son écuelle. Il a gardé les vertueuses rusticités de ses ancêtres, les Germains vêtus de peaux de bêtes, et s’efforce de rester toujours en communion avec la grande, la simple nature.

Mais, parfois, il ne se contente pas du couteau et se sert aussi de la fourchette pour manœuvrer les légumes. Alors, les coudes toujours immobiles et bien écartés sur la nappe, la tête basse, il exécute avec les deux poignets un mouvement de va-et-vient, de l’assiette à la bouche, qui lui donne l’apparence d’une puissante machine à manger.

De nombreux documents historiques permettent de suivre à travers les âges l’aggravation héréditaire de la voracité germanique déjà signalée par Tacite.

Alors que tous les peuples font usage des aliments dans le but de conserver leur existence, l’Allemand cède à une impulsion de goinfrerie.

L’historien Jornandès affirme qu’Attila, après avoir exercé son appétit dans nos provinces de l’Est, s’empiffra tellement dans un repas de noces qu’il succomba sous le poids d’une indigestion.

Montaigne, après un long voyage en Allemagne, où il avait eu tout le loisir d’observer les Allemands, pouvait écrire :


Leur fin est l’avaler plus que le goûter.


L’histoire privée des empereurs et Grands Électeurs d’Allemagne, des rois de Prusse et des roitelets des divers États allemands, a consigné, avec autant de soin qu’elle eût fait d’actions d’éclat, le souvenir des orgies gastronomiques les moins vraisemblables.