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LA FRANCE INTELLECTUELLE

esprit complet, s’il ne concède rien à la mode, risque d’éveiller un éternel demi-sourire sur les bouches des demi-intellectuels qu’enorgueillit leur mandarinat.

M.  Édouard Schuré porte la peine de son indépendance et de son universalité. Mais plus encore il porte celle de son mysticisme. Que de fois, causant avec des lettrés, j’ai recueilli sur l’auteur des Grands Initiés ce jugement sommaire : « Un homme de grand talent, mais quel dommage qu’il ait versé dans l’occultisme ! » Rien n’est plus tenace qu’une légende. Celle qui tend à faire de M.  Schuré une sorte de mage est ridicule et mal fondée. Elle ne s’en est que mieux accréditée.

L’œuvre d’Édouard Schuré est infiniment au-dessus de ces médiocres interprétations. Peu à peu, par le seul aimant de celui qui l’a créée, cette œuvre pénètre les consciences contemporaines, les transforme, les conquiert. Je sais tout un public de femmes méditatives et d’adolescents réfléchis, le plus beau des publics, qui a rencontré et qui salue dans le maître des Grands Initiés et du Drame musical un guide, un ami de la vie spirituelle. À l’étranger plus encore qu’en France (ceci, qui n’est pas à l’honneur de la France, s’applique à presque tous ses penseurs originaux), Schuré est apprécié et goûté pour ce qu’il vaut, c’est-à-dire pour une des individualités les plus riches, les plus complètes, les plus émancipatrices de notre époque.

II

M.  Édouard Schuré est né à Strasbourg, le 21 janvier 1841, d’un père médecin et d’un grand-père