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plume tous les principes reçus et indiscutés, venait écrire : « La race humaine croît comme les nombres 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, tandis que les subsistances croissent comme ceux-ci : 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. Au bout de deux siècles (la population, selon Malthus, doublant en 25 ans), la population sera aux moyens de subsistance comme 256 est à 9. »

Jusqu’à ce moment, subissant l’influence des vieux préjugés, l’Etat, qui a toujours une tendance à tout réglementer et à se mêler de ce qui ne le regarde pas — tendance qu’il a au suprême degré sous les régimes monarchiques, — avait poussé à la reproduction ; en lisant le livre de Malthus, les gouvernants ne renoncèrent pas à réglementer la reproduction, chose de libre initiative, d’initiative individuelle, s’il en fut, mais au lieu de chercher à l’activer, beaucoup d’entre eux s’efforcèrent de l’enrayer.

Et, comme au milieu de tous les faits économiques qui troublaient leurs calculs et étonnaient leur ignorance, les lois de l’humanité, qui régissent et seules peuvent régir les mouvements de la population, venaient sans cesse renverser leurs bizarres combinaisons, les gouvernants passaient, suivant les circonstances, d’un système à un autre, tantôt poussant à la reproduction, suivant les vieux errements, comme si la volonté du législateur pouvait réglementer les lois naturelles, tantôt s’opposant, dans la mesure de leurs forces, à cette reproduction, comme si l’homme pouvait dompter la nature, empêcher le chêne de jeter ses glands sur le sol et de faire jaillir de la terre la forêt immense ! Et ces gouvernants inconscients et stupides ne voyaient pas que, chaque fois qu’ils édictaient une loi nouvelle dans un sens ou dans l’autre, cette loi nouvelle étant la contradiction même de la loi précédente, ils s’usaient en efforts stériles, aussi vains que ceux du monarque saxon essayant d’arrêter les flots qui venaient battre le rivage de son royaume !