Mais élevez-vous dans l’échelle des êtres : l’oiseau ne produit plus que quelques oisillons ; le quadrupède est moins fécond encore ; la gestation est de plus en plus longue à mesure que l’être est mieux conformé.
Et l’homme est au sommet de l’échelle, mais comme lui, il est doué de raison, d’intelligence et de conscience, comme il progresse sans cesse, sa fécondité, à l’encontre de celle des êtres irraisonnables, se modifie. Alors qu’aujourd’hui plantes, poissons, oiseaux, quadrupèdes, quadrumanes jettent par le monde la même quantité de graines ou de petits animaux qu’il y a quatre ou cinq mille ans, l’homme devient de moins en moins fécond à mesure qu’il grandit en civilisation. Quelles qu’en soient les raisons, la loi est certaine, fatale et nul législateur humain ne parviendra à la modifier.
La nature, dans sa sagesse infinie, a donné aux êtres animés cette force de reproduction immense pour sauver les espèces et empêcher le désert de se faire sur la terre ; mais précisément, conformément à cette loi, à mesure que l’humanité grandit en civilisation, il y a moins de dangers pour elle, les guerres sont plus rares et moins meurtrières, les famines ne fauchent plus les peuples, la science médicale et hygiénique retarde de plus en plus l’heure où la mort inéluctable vient saisir sa proie. De moins en moins il y a donc besoin pour la nature de se préoccuper des dangers qui menacent l’existence même de l’humanité, de moins en moins il est nécessaire de lui assurer une fécondité extrême.
Les préoccupations incessantes des législateurs, cette loi dont je vous ai entretenu trop longtemps ce soir, Messieurs, abusant de Votre bienveillante attention, sont l’attestation même de la sagesse de ces lois providentielles.
Le but de l’humanité n’est pas de croître et de multiplier à l’infini comme les bêtes et les plantes ; son but est de grandir sans cesse en intelligence, en moralité, en bien-être.