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quelque jour plus de soins à la développer, ea alio tempore accuratius explicabo, si les savants veulent bien ne pas écarter cet essai, quelque risqué qu’il puisse leur paraître, mais me donner l’appui de leurs avis et de leurs conseils[1]. »

Si donc les Prolégomènes arrivent à leurs fins, — pensait Wolf, — on ne discutera plus la question de l’écriture ; il sera admis qu’Homère n’a pas écrit les poèmes qui portent son nom ; ce qu’il faudra chercher désormais, c’est la part respective d’Homère, des Homérides, des Pisistratides, des diaskeuastes et des critiques dans le texte que nous lisons. Ce sont là questions des plus grandes et des plus difficiles, que les Prolégomènes, presque à voix basse, n’ont qu’effleurées, velut summissa voce ; mieux eût valu peut-être ou les négliger ou les vider ; mais Wolf redoute moins les savants, qui lui reprocheront d’être resté en chemin, que les dévots de l’antiquité qui l’accuseront de donner le mauvais exemple et de ruiner les vérités traditionnelles, religiosos quibus fidem antiquitatis labefactasse malo exemplo videbor (Préface de 1795, p. 11 et 12).

Metuo religiosos : c’est peut-être la devise qu’il faudrait mettre en tête des Prolégomènes pour les bien comprendre. Cette crainte des dévots dictait le langage de Wolf ; en un sujet tout au moins, elle l’a fait parler contre son sentiment. Car Wolf ne pensait pas de l’Odyssée ce qu’il en a dit dans les Prolégomènes et dans la Préface de 1795. Ici et là, en effet, il vante en des phrases lyriques la droiture, la régularité, la continuité de l’ordre qui règne en toute l’Odyssée, et ce ménagement habile de l’intérêt qui fait qu’un amateur d’Homère ne peut quitter le livre une fois commencé,

  1. Kleine Schriften, I, p. 212.