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mais il est atteint de la maladie du siècle, de la fureur d’innover. Cependant, comme il est presque impossible de trouver maintenant une erreur nouvelle, il n’a fait que ressusciter celle de l’abbé d’Aubignac et il a eu soin de l’appuyer avec toutes les ressources que lui fournit sa vaste érudition... J’aurois désiré que vous eussiez donné en entier l’article de la troisième Réflexion critique sur quelques Passages de Longin où Boileau expose et réfute l’opinion de Perrault ou plutôt celle de l’abbé d’Aubignac[1]. »

Wolf avait envoyé ses Prolégomènes au célèbre philologue italien, traducteur d’Homère et d’Ossian, M. Cesarotti (1730-1808). Il reçut de lui une belle lettre de remerciement où se trouvait cette incidente : « Quant à l’hérésie de d’Aubignac que, par une argumentation plus serrée, tu as faite tienne, quod vero attinet ad Aubignacii haeresim, quam tu severiore argumentatione tuam fecisti[2]...»

Jamais Wolf ne devait oublier ce coup droit : en Prusse, sous le règne de très pieux et très conservateur monarque Frédéric-Guillaume II, être proclamé hérésiarque n’était pas une recommandation pour un professeur d’université, et trouver en 1795 un lecteur de d’Aubignac qui revendiquât pour les Conjectures de 1715 ce dont Wolf avait cru faire à jamais ses Prolégomènes était sans charme pour la vanité du grand homme de Halle. Dix ans plus tard, dans sa Préface à son édition homérique de 1804 (page 31), Wolf exhalait encore sa mauvaise humeur contre « ces gens qui l’avaient accusé d’avoir repris à son compte les inepties désuètes de certains

  1. Ch. Jorel, D’Ansse de Villoison et l’Hellénisme en France, Biblioth. de l’École des Hautes Études, Paris, 1910, p. 378.
  2. Cf. M. Cesarotti, Prose inedite, Bologna, 1882, p. 396.