Page:Bérard - Un mensonge de la science allemande, 1917.djvu/115

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en valût la peine, nihil omnino se ex litteris graecis operae pretium didicisse confirmat. Mais peut-on concevoir qu’un latiniste et un honnête homme puisse jamais tirer du latin de Wolf le français de d’Aubignac ? ex litteris graecis ne peut s’entendre que « du trésor des lettres grecques » ; de litteris graecis s’entendrait à l’extrême rigueur « du chapitre des lettres grecques » ; dans le premier cas, il est impossible de traduire « lettres grecques » autrement que par « littérature grecque » ; dans le second, « lettres grecques » prêterait à l’amphibologie et pourrait s’entendre des « caractères de l’alphabet », si du moins nous étions prévenus par Wolf que d’Aubignac ne parle que des voyelles, consonnes et diphtongues. Mais Wolf nous a-t-il jamais prévenus qu’il fallait l’entendre ainsi ? et son ex litteris graecis peut-il nous laisser le moindre doute ? Sur ce point, je crois, le plus ergoteur des apologistes ne saurait nier que Wolf a prêté à d’Aubignac une opinion touchant la littérature des Grecs, non pas leur alphabet... Peut-on croire que cette seconde erreur de Wolf fut involontaire, elle aussi, inconsciente ? Wolf n’a-t-il lu d’Aubignac qu’au pouce ou, seulement, dans Baillet et la Bibliotheca graeca ? Wolf n’a-t-il pas compris le français de son auteur ?

Wolf savait le français et le savait très bien[1]. Il en citait volontiers dans ses ouvrages et dans ses discours. De son temps, l’Allemagne vivait dans la familiarité de l’érudition française[2] ; les sujets du grand Fré-

  1. Cf. W. Körte, Leben und Studien, p. 12 et 34. Avant même d’aller à l’université hanovrienne de Göttingue, Wolf faisait des vers français, italiens et anglais, car ce philologue de carrière était avant tout un littérateur, et ce professeur, un homme de lettres : antequam Göttingam peterem, versiculos tentavi gallicos, italicos et cupidissime anglicos facere. W. Körte, p. 258.
  2. Il suffit, pour s’en rendre compte, de feuilleter tel périodique de ce temps, le Teutsche Merkur de Wieland par exemple.