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parmi nous qui chantent des vers par dévotion et que les artisans et les manœuvres en Italie chantent des pièces entières ou des épisodes de l’Arioste ou d’autres poètes, quand ils en ont appris. »

D’Aubignac ajoute que Lycurgue, le premier, a réuni ces poésies connues de tout le monde, mais qui « reçurent beaucoup d’estime quand elles furent assemblées et vues par ceux qui les regardoient [désormais] comme nouvelles... ; ainsi voyons-nous que nos airs de cour, nos vers de ballets et nos chansons les plus agréables deviennent l’occupation du Pont-Neuf et des carrefours et le divertissement de nos courtaux de boutique, après avoir diverti nos courtisans, [mais] ne laissent pas que d’être fort estimées quand nous les voyons dans un corps de poésie donné au public avec quelque soin. »

Voilà le premier texte. On ne saurait s’y tromper, je crois : ce que d’Aubignac, pense, dit et répète, ce n’est pas que les « vieilles tragédies » sont des chansons populaires, nées sur la voie publique, à la manière des chansons du Pont-Neuf ; c’est au contraire que ces chansons royales et de très haut lignage sont descendues de la cour au Pont-Neuf ; ce sont des airs de cour que les courtisans ou les musiciens des princes ont « appris » aux courtauds de boutique ; si le peuple les connut et les répéta, ce fut à la façon des manœuvres et artisans d’Italie qui chantent des vers de l’Arioste, « quand ils en ont appris ».

On ne saurait ergoter sur la pensée de l’auteur. Il dit encore à la page 21 : « Comme l’usage des plus belles choses passe ordinairement de la cour parmi le peuple, ce plaisir tomba du trône dans le carrefour, c’est-à-dire de la table des princes au divertissement des moindres bourgeois. » Est-ce là ce que nous annonçait la note de Wolf ?...

D’Aubignac a parlé une seconde fois du Pont-Neuf,