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Alors aux parts de choix préparées et servies, on tend les mains ; on mange ; on boit ; quand on a satisfait la soif et l’appétit, Ulysse s’adresse à l’aède :

Ulysse. — C’est toi, Démodocos, que, parmi les mortels, je révère entre tous, car la fille de Zeus, la Muse, fut ton maître, ou peut-être Apollon ! Quand tu chantes si bien le sort des Achéens l’as-tu vu de tes yeux ou par les yeux d’un autre ?… Mais poursuis ! et dis-nous l’histoire du cheval et comment le divin Ulysse introduisit ce piège dans la Ville, avec son chargement des pilleurs d’Ilion ! Si tu peux tout au long nous conter cette histoire, j’irai dire partout qu’un dieu, qui te protège, dicte ton chant divin.

« Il eut à peine dit que, sous l’élan du dieu, l’aède préludait, puis leur tissait son hymne » (notons bien ce terme de métier, qui ne se rencontre nulle part ailleurs dans les Poésies).

L’aède prit la scène au point où ceux d’Argos, ayant incendié leurs tentes, s’éloignaient sur les bancs de leur flotte ; mais déjà, aux côtés du glorieux Ulysse, les chefs étaient à Troie, cachés dans le cheval que les Troyens avaient tiré sur l’acropole. Le cheval était là, debout, sur l’agora ; assis autour de lui, les Troyens discouraient pêle-mêle, sans fin, sans pouvoir entre trois avis se décider : les uns auraient voulu, d’un bronze sans pitié, éventrer ce bois creux, et d’autres le tirer jusqu’au bord de la roche pour le précipiter, et d’autres le garder comme une grande offrande qui