Ulysse. — C’est fini maintenant de ces jeux anodins !… Il est un autre but, auquel nul ne visa : voyons si je pourrais obtenir d’Apollon la gloire de l’atteindre !
Il dit et, sur Antinoos, il décocha la flèche d’amertume. L’autre allait soulever sa belle coupe en or ; déjà, de ses deux mains, il en tenait les anses ; il s’apprêtait à boire ; c’est de vin, non de fin[1], que son âme rêvait !… qui donc aurait pensé que seul, en plein festin et parmi cette foule, un homme, si vaillant qu’il pût être, viendrait jeter la male mort et l’ombre de la Parque ?
Ulysse avait tiré ; la flèche avait frappé Antinoos, au col : la pointe traversa la gorge délicate et sortit par la nuque. L’homme frappé à mort tomba à la renverse ; sa main lâcha la coupe ; soudain, un flot épais jaillit de ses narines : c’était du sang humain ; d’un brusque coup, ses pieds culbutèrent la table d’où les viandes rôties, le pain et tous les mets coulèrent sur le sol, mêlés à la poussière.
Eurymaque, à la droite d’Antinoos, subit le même sort. Il a vainement essayé de fléchir Ulysse en acceptant d’avance toutes réparations que le héros exigera des prétendants. Ulysse a refusé. Eurymaque appelle ses compagnons au combat :
- ↑ Nous avons ici l’une de ces assonances qui frisent le calembour et que l’on rencontre assez fréquemment dans les Poésies : les auditoires de tous les temps ont prisé ces jeux des mots et de la voix.