brutalement leur dessein ; il les pria seulement de le laisser chanter une dernière fois, vêtu de tous ses atours ; il chanta, debout, comme en scène, sur un de leurs bancs de rame, puis se jeta à la mer en ce grand costume. C’est alors qu’un dauphin, le prenant sur son dos, le porta au rivage du Ténare...
Avant ces représentations toutes théâtrales des rhapsodes, avant leurs manières pompeuses, leurs grands gestes et leurs éclats de voix, nous ne savons rien de la récitation primitive des aèdes.
Était-elle aussi animée et scénique ? les rhapsodes ne furent-ils que les héritiers directs et les disciples fidèles des aèdes ?
Est-ce au contraire, à l’imitation et à l’école des tragédiens et comédiens de leur temps que les rhapsodes classiques prirent leurs habitudes de déclamation gesticulante ? et l’aède primitif n’avait-il auparavant que le débit rituel et l’attitude quasi hiératique d’un officiant, d’un porte-parole du dieu et de la Muse ?
L’antiquité ne nous ayant rien transmis là-dessus, toutes les hypothèses sont permises.
Mais il est probable que, de l’aède au rhapsode, un changement d’accessoire eut son importance pour la tenue et le geste du récitant. L’aède chantait sur la lyre ; il avait dans les mains « la cithare au chant clair » ; l’un de ses bras n’avait