perfectionnée dans sa structure et ses moyens d’expression, même en ces terres helléniques pourvues de l’alphabet cadméen, cette forme d’art littéraire soit restée longtemps encore la propriété d’aèdes aveugles, qui conservaient et transmettaient par la seule mémoire leurs propres ouvrages et ceux de leurs devanciers : Homère est devenu dans l’histoire le vieillard aux yeux clos, et la transmission par la seule mémoire d’interminables légendes versifiées a été trop scientifiquement constatée dans les communautés les plus récentes de la famille slave, pour qu’on en puisse nier la possibilité et la longue durée lors des premières inventions épiques de la Grèce.
Il est très probable néanmoins que l’épos ne conquit sa forme définitive et ses chefs-d’œuvre que dans les cours royales des cités d’Ionie : l’émigration y avait transporté les souvenirs et les dernières modes de la féodalité héroïque ; des familles cadméennes, qui prétendaient descendre du héros phénicien Cadmos, s’étaient jointes à l’émigration des Achéens et retrouvaient en ces ports nouveaux des congénères ; car les Phéniciens tenaient encore une bonne place dans la navigation et le commerce de l’Archipel. Il ne semble pas douteux que, soit en Europe, lors de ses débuts, soit en Asie-Mineure, lors de son épanouissement, l’épos ait subi