Mais Pénélope, qui ne sait rien encore du complot, et Télémaque, dont Ulysse s’est déjà fait reconnaître, insistent pour que la demande du mendiant soit agréée :
Pénélope. — Allons ! donnez-lui l’arc aux beaux polis ! voyons s’il arrive à le tendre ! Pour moi, je vous le dis et vous verrez la chose : s’il tend l’arc, s’il obtient d’Apollon cette gloire, je lui donne les habits neufs, robe et manteau, un épieu ferré pour écarter de lui et les chiens et les hommes, un glaive à deux tranchants, les sandales aux pieds, et je le fais conduire en tels lieux que son cœur et son âme désirent.
Posément, Télémaque la regarda et dit :
Télémaque. — Ma mère, sur cet arc, aucun autre Achéen n’a le droit, comme moi, de prêt ou de refus, selon qu’il me convient ! Personne ne pourra forcer ma volonté : si même il me plaisait de donner à notre hôte cet arc à emporter, il l’aurait pour toujours… Mais rentre à la maison et reprends tes travaux, ta toile, ta quenouille ; ordonne à tes servantes de se remettre à l’œuvre…
Pénélope, en tremblant, regagna son étage, le cœur rempli des mots si sages de son fils, et lorsqu’à son étage, elle fut remontée avec ses chambrières, elle y pleurait encore Ulysse, son époux, à l’heure où la déesse aux yeux pers, Athéna, vint jeter sur ses yeux le plus doux des sommeils.
Eumée, sur l’ordre de Télémaque, prend l’arc et s’en va le porter au mendiant.