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Antinoos. — Non ! il n’en sera rien, Eurymaque ! oublies-tu quelle fête, aujourd’hui, célèbre notre peuple ? et tu sais de quel dieu !… Comment tirer de l’arc aujourd’hui, jour sacré d’Apollon ? rien à faire !… Mais pour demain, donnez au maître-chevrier l’ordre de nous fournir la fleur de ses troupeaux : en l’honneur d’Apollon, du glorieux archer, nous brûlerons les cuisses et reprendrons l’essai pour finir le concours.

Le mendiant Ulysse, ayant sa ruse en tête, vient dire aux prétendants :

Ulysse. — Écoutez, prétendants de la plus noble reine ! toi d’abord, Eurymaque, et toi, Antinoos au visage de dieu ! J’aurais une prière… Tu viens de prononcer une sage parole en disant qu’aujourd’hui, il vaut mieux laisser l’arc et s’en remettre aux dieux : demain, ils donneront la force à qui leur plaît. Mais voyons ! prêtez-moi cet arc aux beaux polis ; je voudrais essayer la vigueur de mes mains, voir s’il me reste encore un peu de cette force, qui jadis se trouvait en mes membres alertes, ou si les aventures et le manque de soins me l’ont déjà fait perdre.

Il dit ; mais le courroux des autres éclata : si le vieux allait tendre cet arc aux beaux polis !

Antinoos prit la parole et le tança :

Antinoos. — Mais tu n’as plus ta tête, ô le plus gueux des hôtes ! Que te faut-il encore ? en noble compagnie, sans le moindre travail, tu sièges au festin, tu prends de tous les plats et tu peux écouter nos dires et propos ! … Tiens-toi tranquille ! et bois !