De toute façon, il fut composé pour une récitation séparée ; il a sa chronologie distincte et, le jour où on l’introduisit dans la Poésie actuelle, il fallut en juxtaposer les dates aux dates des Récits et de la Vengeance, sans pouvoir les concilier entre elles. L’embuscade des prétendants, qui vont guetter le retour de Télémaque dans la passe d’Ithaque, sur l’îlot désert d’Astéris, ne saurait durer tout un mois ; Ulysse ne peut pas demeurer quatre jours et quatre nuits dans la loge d’Eumée. Dans l’Assemblée d’Ithaque, qui est notre chant II, le devin Halithersès dit aux prétendants :
Gens d’Ithaque, écoutez ! j’ai deux mots à vous dire. Mais c’est aux prétendants surtout que je m’adresse : sur eux, je vois venir la houle du désastre. Ce n’est plus pour longtemps, sachez-le bien, qu’Ulysse est séparé des siens ; il est tout près déjà, plantant à cette bande et le meurtre et la mort, et bien d’autres encor pâtiront parmi nous… Aujourd’hui tout s’achève.
Si ces mots ont un sens, l’infaillible devin ne peut pas les prononcer avant que les dieux aient décidé le retour d’Ulysse et tant que le héros est encore le prisonnier de Calypso (c’est le début des Récits au chant V). Dans le chant II de la Poésie actuelle, Ulysse n’est pas en train de planter aux prétendants le meurtre et le trépas : il pleure sur les rochers de l’île océane