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l’épos sortit des manoirs achéens ou des petites cités ioniennes et éoliennes pour prendre le contact des foules, on dut parfois en préciser et compléter les récits et bannir toute obscurité dans l’expression ou l’allusion.

Un nouveau changement fut parfois nécessaire quand l’épos circula moins par la récitation des rhapsodes que par les copies des scribes : un texte, parfaitement clair à l’oreille, peut le sembler beaucoup moins à l’œil ; le lecteur a des exigences que l’auditeur ne se formule pas et le geste ou le ton du récitant sont un commentaire explicatif qui manque aux copies les plus fidèles.

Parfois, un troisième changement s’imposa, quand les Poésies devinrent le manuel d’instruction, le modèle, tout à la fois, de style et de sagesse, où l’on cherchait les leçons du bien faire autant que du bien dire : on s’étonna d’y rencontrer la moindre pierre d’achoppement ou de scandale[1] ; on refusa d’admettre que le Poète pût être coupable du moindre manquement à la

  1. C’est ainsi qu’au chant VIII de l’Odyssée, fut ajoutée une dizaine de vers pour expliquer comment le Poète avait pu donner à Alkinoos pour femme sa « nièce » Arété, alors que le texte primitif disait en vérité sa « sœur » : la société hellénique n’admettait plus ces mariages fraternels que pratiquaient, au contraire, les vieilles et récentes dynasties levantines.