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parcourant leurs rangs, il va compter ses phoques ; quand il en aura fait, cinq par cinq, la revue, près d’eux il s’étendra comme dans son troupeau d’ouailles un berger. C’est ce premier sommeil que vous devez guetter. Alors ne songez plus qu’à bien jouer des bras ; tenez-le quoi qu’il tente ; il voudra s’échapper, prendra toutes les formes, se changera en tout ce qui rampe sur terre, en eau, en feu divin ; tenez-le sans mollir ! donnez un tour de plus !… Mais, lorsqu’il en viendra à vouloir te parler, il reprendra les traits que vous lui aurez vus en son premier sommeil ; c’est le moment, seigneur : laissez la violence, déliez le Vieillard, demandez-lui quel dieu vous crée des embarras.

Le lendemain, Ménélas revient avec trois compagnons. Idothée les cache sous quatre peaux de phoques fraîchement écorchées. Comme elles exhalent « l’âcre odeur des grands fonds », la nymphe la combat en mettant sous le nez de chacun de nos gens un peu de divine ambroisie.

Tout le matin, — reprend Ménélas, — nous attendons : rien ne nous lasse : les phoques en troupeau sont sortis de la mer ; en ligne, ils sont venus se coucher sur la grève. Enfin, voici midi : le Vieillard sort du flot. Quand il a retrouvé ses phoques rebondis, il les passe en revue : cinq par cinq, il les compte, et c’est nous qu’en premier, il dénombre, sans rien soupçonner de la ruse… Il se couche à son tour. Alors, avec des cris, nous nous précipitons ; toutes nos mains l’étrei-