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Nous savons aujourd’hui ce que peut donner en poésie le travail de la foule anonyme : il n’en est jamais sorti que des ouvrages faciles à reconnaître et qui ont pour caractères communs une extrême brièveté, la répétition des mêmes mots et des mêmes thèmes, un langage heurté, haletant, bégayant, sans ampleur et sans clarté, sans descriptions soutenues et sans long discours, tout en dialogues, presque jamais en récits, tout en images soudaines, presque jamais en visions détaillées, tout en exclamations et en cris parfois émouvants, jamais en analyses de sentiments mélangés. Une marche régulière et patiente vers un but commun est ce qui leur manque le plus. Le xixe siècle a patiemment recueilli des milliers de cantilènes authentiques sur les lèvres de peuples encore dépourvus de poésie savante. Les Slaves de Russie et de Serbie ont encore leurs aèdes et leur Volksepik : ce n’est toujours que poussière de sables qu’il est impossible d’agglomérer, pour en faire les blocs d’une grande et solide épopée. Et nous savons ce que vaut la versification populaire, avec ses fantaisies et ses caprices, ses allongements et abréviations de mots, ses redoublements et suppressions de syllabes, ses approximations et mutilations du rhythme.

Tout dans les poésies homériques répugne à une assimilation avec une « voix du peuple »