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conserver toute leur impétuosité, toute leur énergie ; des hommes dont l’esprit, n’ayant que peu d’idées abstraites et point de termes pour les rendre, est forcé de recourir aux images matérielles pour rendre leurs pensées : de tels hommes paraissent plus propres à parler le langage de l’imagination et des passions.

On sait comment Herder et ses disciples germanisèrent ces conceptions françaises. L’italien Vico et son élève, le danois Zoega, avaient parlé avant eux de « ces âges lointains où, la culture étant la même pour tous, le savoir étant égal et les forces réunies de toute la nation vivant en chacun, le même chant s’élevait ici et là et la poésie comme le langage était le travail commun de tous ; il y avait des peuples entiers d’Homères ; les œuvres particulières se fondaient ensuite pour former un ensemble ; finalement un assembleur réunissait le tout ».

Et voilà pourquoi l’histoire réelle devait être muette sur Homère, lequel n’était qu’un mythe ou, du moins, n’avait existé que pour recoudre peut-être bout à bout ces merveilleux ouvrages de la foule anonyme.

Durant un siècle, les philologues allemands ont cherché dans les Poésies homériques ces « œuvres particulières », qu’ils appelaient tantôt cantilènes primitives et tantôt épopée populaire, Volksepik.