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même ; la fantaisie et l’exubérance dans les combinaisons de lignes savantes et de matières précieuses ; le sentiment de la vie universelle, de la grâce animale et végétale autant que de la beauté humaine ; une ardeur sensuelle vers le mouvement et la joie, et une sorte de langueur rêveuse et de résignation dans le plaisir ; au total, on ne sait quel exotisme au regard de notre Europe… La Crète de Minos nous apparaît en ses ouvrages comme bien plus proche de la Perse et du Japon que de l’Italie et de la Grèce classiques : bien mieux que n’a jamais pu faire le meilleur peintre de vases antiques, un miniaturiste persan ou un dessinateur japonais, qui saurait le grec, illustrerait Homère dans les mots et dans l’esprit.

Est-il vraisemblable que cette influence du Levant n’ait pas eu une pareille emprise sur la pensée achéenne et sur la littérature homérique ?

Il est un premier point où le témoignage des fouilles a ruiné l’une des affirmations les plus scientifiques du xixe siècle. Jusqu’en 1923, on pouvait agiter encore la question fondamentale : les vers homériques ont-ils été composés par un écrivain et, dès l’origine, confiés à l’écriture ? et à quelle sorte d’écriture ?… Depuis J.-J. Rousseau, depuis Fr.-Aug. Wolf, surtout, il avait été de dogme que ni le poète aveugle ni