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séquentes : avant la Méditerranée achéenne, il y avait eu une Méditerranée phénicienne, comme il y eut plus tard une Méditerranée arabe avant la Méditerranée vénitienne et génoise, et une Méditerranée turco-barbaresque avant la Méditerranée « franque » de nos xviie-xviiie siècles.

Mais si les Phéniciens, aux temps décrits par le Poète, avaient perdu leur ancien monopole dans les eaux achéennes, ils y conservaient néanmoins leur part du commerce et de la piraterie, leurs habitudes de relâche, de séjour et d’hivernage, quelques-unes de leurs pêcheries et stations d’autrefois, quelques-uns de leurs alliés ou congénères dans leurs anciennes colonies, où leurs cultes subsistaient. Eumée raconte, au chant XV de l’Odyssée, comment, fils du roi de Syros (l’île s’appelle encore Syra), il fut enlevé et vendu par ces larrons :

On appelle Syros, — connais-tu ce nom-là ? — une île qui se trouve par delà l’île aux Cailles, du côté du Couchant. Ce n’est pas très peuplé, mais c’est un bon pays : des vaches, des moutons, du vin en abondance, du grain en quantité… Entre elles, deux cités s’en partagent les terres ; mais toutes deux n’avaient qu’un roi : c’était mon père… On y vit arriver des gens de Phénicie, de ces marins rapaces, qui, dans leur noir vaisseau, ont mille camelotes. Or une Phénicienne était à la maison : la grande et belle fille ! artiste en beaux ouvrages !