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colonie et reposoir, et d’Ithaque la « dernière des îles achéennes vers le Nord-Ouest », dit l’Odyssée. En deçà, les marines achéennes leur faisaient une concurrence heureuse, tant pour le commerce que pour la piraterie.

L’Odyssée nous donne une vue très nette de cette Méditerranée double. À l’Est de Cythère et d’Ithaque, les « fils d’Achéens » connaissent et fréquentent toutes les eaux levantines, depuis les bouches de l’Égyptos, où s’en vont opérer, tour à tour, Ménélas et le pirate crétois, jusqu’aux bouches du Phase, dans le fond de cette mer Noire, où les Argonautes allaient voler la toison d’or : les Atrides mènent leurs alliés au sac de Troie, gardienne des Dardanelles ; Ulysse descend sur la côte de Thrace pour piller les Kikones… Mais, au détroit de Cythère, la tempête l’emporte loin des terres connues, dans l’immensité et l’obscurité du Couchant, et, durant dix années, il tombe sous la prise d’humanités divines ou sauvages, de dieux jaloux, de nymphes impérieuses et magiciennes, de monstres et d’anthropophages, pour ne reparaître que seul, toute son escadre anéantie, au détroit d’Ithaque.

Les Phéniciens ont donc perdu, dans les eaux levantines et surtout dans les eaux proprement achéennes, cette maîtrise de la mer, — thalassocratie, disaient les Hellènes, — qu’ils