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et qui avait occupé le pan de côtes et les îles entre Smyrne et Milet : ce mélange d’émigrés, tous Hellènes, mais non pas tous Achéens, portait désormais le nom et formait la confédération des Ioniens ; dans leur nouvelle patrie, ils vivaient encore sous le régime des royautés aristocratiques.

C’est dans l’une de ces villes ioniennes que fut composé notre poème : on est conduit à cette affirmation tant par la tradition unanime des Anciens que par l’étude du texte. Je n’insisterai pas sur la tradition ; elle est présente à toutes les mémoires : sept villes ioniennes se disputaient la naissance du Poète.

La langue d’Homère, — dit Michel Bréal, — est faite pour provoquer l’étonnement. Depuis que des trouvailles faites un peu partout ont multiplié les spécimens des divers dialectes grecs, on n’a encore découvert nulle part le dialecte homérique. Participant tantôt de l’ionien, tantôt de l’éolien ou du cypriote et même de l’attique, il déroute le linguiste par l’inconstance de sa phonétique et par la bigarrure de ses formes grammaticales… C’était un langage mixte, qui était la langue de l’épopée. C’est ainsi que, pendant deux siècles, nos troubadours ont composé leurs poésies en un limousin, où se rencontrent des formes catalanes, provençales et italiennes.

Ce « dialecte mêlé », cette « langue mixte de l’épopée » n’a pu naître et gagner l’oreille du