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travail et ces tâtonnements des précurseurs.

Avant les Récits chez Alkinoos, il existait peut-être d’autres Récits d’Ulysse, comme avant Michel-Ange il existait dans l’art italien d’autres Jugements, d’autres Prophètes et d’autres Sibylles. Mais après le Poète homérique comme après Michel-Ange, un modèle définitif était créé, fixé : personne n’essaya plus de recommencer l’Odysseia : personne n’essaie plus de recommencer le Moïse.

L’œuvre propre du Poète fut donc ce portrait définitif du héros : le genre littéraire existait avant lui ; mais, grâce à lui, ayant porté son chef-d’œuvre, il n’eut plus ensuite qu’à disparaître.

Ce chef-d’œuvre apparut au « recoupement », si je puis dire, de la tradition achéenne et de l’influence sémitique : c’est ainsi, dans presque tous les pays et presque tous les temps, les grandes œuvres d’art sont le double produit d’une tradition indigène et d’une influence étrangère. L’influence triomphante de la Grèce sur la tradition italiote qui, depuis trois siècles, s’essayait à la poésie et aux autres arts littéraires, a donné aux Romains le siècle d’Auguste. À la rencontre de notre tradition moyen-âgeuse et de la même influence grecque, la France classique eut ses deux siècles de la Renaissance et de Louis XIV. La France romantique reçut