Page:Bérard - La résurrection d’Homère, 1930, 1.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

hommes : elles les lient, les enchaînent par leurs chants magiques.

Suivant donc les conseils de Circé, Ulysse se fait attacher au mât, pieds et poings liés. Puis vainement, pour accepter l’invitation des Sirènes, il demande qu’on le détache. Ses compagnons le lient plus étroitement et ne le délivrent que lorsque la voix des Sirènes s’est éteinte dans le lointain.

L’aventure du héros et la formule du Poète, « les Sirènes fascinent par le chant » entraînent, je crois, une étymologie de Sir-ènes ; c’est sir-en, « chant de fascination ». Le mot en est tiré d’une racine qui existe dans toutes les langues sémitiques. Les Arabes en font un usage fréquent pour signifier attacher, retenir (surtout tenir et gouverner un cheval par les rênes), mais aussi nouer par des maléfices (en particulier nouer l’aiguillette, comme disaient nos pères) : ils en ont tiré les mots cordes, rênes, et les mots ensorcellement, impuissance sexuelle ; ils en ont aussi tiré le mot nuage (les Latins emploient pareillement fascia). Les Hébreux, qui usent moins fréquemment de cette racine, en ont pourtant tiré, eux aussi, le mot nuage et un verbe, de sens plus obscur, qui paraît signifier se livrer à des opérations magiques, soit de divination (suivant les uns), soit de fascination (suivant les autres). Les