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Il vous faudra d’abord passer près des Sirènes. Elles charment tous les mortels qui les approchent. Mais bien fou qui relâche pour entendre leurs chants ! Jamais en son logis, sa femme et ses enfants ne fêtent son retour ; car, de leurs fraîches voix, les Sirènes le charment, et le pré, leur séjour, est bordé d’un rivage tout blanchi d’ossements et de débris humains, dont les chairs se corrompent… Passe sans t’arrêter ! mais pétris de la cire à la douceur de miel et, de tes compagnons, bouche les deux oreilles : que pas un d’eux n’entende ; toi seul, dans le croiseur, écoute, si tu veux ! mais, pieds et mains liés, debout sur l’emplanture, fais-toi fixer au mât pour goûter le plaisir d’entendre la chanson, et, si tu les priais, si tu leur commandais de desserrer les nœuds, que tes gens aussitôt donnent un tour de plus !

Aucune étymologie grecque ne peut expliquer le nom des Sirènes. Par contre, une étymologie sémitique se présente pour ces chanteuses, pour ces « filles du chant », comme dirait l’Écriture, benot-ha-sir. Le mot hébraïque sir, « chant, cantique », serait exactement transcrit par le début du mot grec. Les Sirènes sont des chanteuses, mais aussi des magiciennes, des fascinatrices, en prenant le mot dans son sens primitif et complet, c’est-à-dire des femmes qui lient par leurs enchantements ; tel est le sens du latin fascinare, fasciare, ou du grec thelgo, qu’emploie le Poète. Les Sirènes charment les