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qu’elles aient été transmises par des textes ou qu’elles soient passées de bouche en bouche. Mais dans la création de l’Odyssée, si l’anthropomorphisme, procédé favori des Hellènes, peut avoir eu le rôle prépondérant, on est aussi tenté de se souvenir que l’allitération et l’assonance tiennent une place prépondérante dans la poésie de tous les Sémites : ces recherches de sonorités, poussées jusqu’au jeu de mots et même, si l’on peut dire, à la calembredaine, sont la marque essentielle de leurs vers, comme la rime est la marque des nôtres[1].

Dans les livres prosaïques de la Bible, qui nous racontent les voyages du peuple de Dieu, ces sonorités expliquées tiennent le même rôle que dans le texte odysséen. L’itinéraire de Moïse et les errements des patriarches sont

  1. Cf. E. Reuss, La Poésie hébraïque, p. 18 : « Il est probable que les anciens Israélites n’ont jamais connu l’art métrique, tel qu’il était pratiqué chez les Grecs… Pour la rime, de même, la poésie hébraïque n’en a pas senti le besoin. Si la rime se rencontre par ci par là dans quelques vers, cela ne tire pas à conséquence… Mais les poètes n’ont pas toujours dédaigné une autre forme musicale, l’assonance, c’est-à-dire la reproduction fréquente d’une même syllabe dans la composition d’une pièce. Ceux qui peuvent comparer l’original voudront bien relire ici le Psaume 124 et surtout le chapitre V des Lamentations où la syllabe rimante se rencontre quarante fois dans les vingt-deux distiques ».