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pouvait ne pas hésiter, mais où les plus attiques de nos hellénisants n’osent pas saluer d’un sourire l’allusion ou le jeu de mots qu’ils soupçonnent.

Il est d’autres cas, enfin, bien plus difficiles à relever, parce qu’ils touchent au fond du récit, à la trame de l’aventure, et non pas aux mots seulement : on sent ou l’on devine qu’il circule, sous un texte apparemment simple et clair, un courant secret d’intentions ou d’inventions trop ingénieuses qu’il est difficile de mettre au jour sans paraître verser dans la subtilité ou la fantaisie. Il faut pourtant avoir le courage de ne pas les négliger et voici, pour payer d’audace, le plus subtil peut-être.

Les Lestrygons habitent le Nord de la Sardaigne. Les plus vieux noms de peuples que les Hellènes aient connus dans ce district de la Gallura, sont Balares et Korses. Korses et Balares, au dire de tous les géographes, mythographes et historiens de l’antiquité, étaient des peuples indigènes, toutes les autres populations de l’île, Sardes, Ioléens, Iliens, Libyens, Ibères, etc., étant venues de la mer. Mais les Hellènes savaient aussi que Balares n’est pas un nom propre : ce n’est, dans la langue des Korses, qu’une épithète signifiant fugitif, exilé, échappé, ou, comme diraient les insulaires actuels, bandit, banditto. À travers tous les siècles