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à des récits moins sanguinaires ou que, transportés dans l’Ionie et devenus commerçants, les « fils d’Achéens », embourgeoisés, aient préféré aux exploits des héros les aventures, ruses et fuites des capitaines-marins, — à l’Ulysse « pilleur de ville », ptoliporthos, l’Ulysse « aux mille tours », polytropos.

C’est ainsi que l’Angleterre du xviie siècle n’avait eu d’admiration que pour les grands et petits corsaires des deux mers américaines du Nord et du Sud, les Drake, les Dampier et autres brûleurs de flottes et de villes espagnoles : l’Angleterre du xviiie siècle fit de Robinson Crusoé son héros de cœur et l’un de ses types nationaux. Durant les xvie et xviie siècles, les véridiques histoires de corsaires, les abordages, pillages et incendies de flottes, les prises, sacs et rançons de villes avaient fait la célébrité populaire de la Mer du Sud : au début du xviiie siècle les véridiques aventures d’Alexandre Selkirk, devenu Robinson, en faisaient la mer des abandons, des longues disparitions et des retours miraculeux.

Il se peut aussi que les aèdes n’aient fait que traduire la réalité ou la croyance contemporaines touchant leurs deux mers si différentes du Levant et du Couchant : pour le public de notre xixe siècle, un contraste de même sorte existait encore entre les deux parties de cette