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des moutons au Cyclope ; mais, nulle part, on ne tente une razzia de captives, ni même une surprise de sanctuaire. On « monte » en hôtes ou en suppliants chez la déesse des fauves, Circé, et chez le roi des vents, Éole. Mais on fuit devant la colère de Polyphème et les fureurs des Lestrygons. Jamais on n’attaque ni même on ne riposte. Il semble que l’on ait connu d’avance le conseil de l’oracle que rapporte Hérodote : « Prends la fuite sans tenir pied ! n’aie pas honte d’être lâche ! ».

On ne sort les arcs du bord que pour une partie de chasse dans la Petite Ile des Cyclopes ou contre les oiseaux de l’Ile du Soleil. Ulysse ne darde sa lance que sur le cerf du pays de Circé ; une fois seulement, il revêt ses armes et brandit ses deux piques, contre l’inaccessible. Skylla ; il ne menace de son épée que son compagnon Euryloque : « Ni sur terre, ni sur mer, ce ne sont de grands amateurs de batailles ; ils préfèrent le commerce et la boutique », diront plus tard, des gens de la Mer Rouge, les périples que résume Strabon.

Sans aucun doute, le contraste n’est pas fortuit entre cette paix de la mer du Couchant et les entreprises guerrières dans les eaux levantines. Il se peut qu’après les interminables batailles de l’Iliade, le goût des aèdes et du public, un peu fatigués des tueries, soit allé