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Dans l’Odyssée, chaque nouvelle perte les trouble très fort ; ils ont un refrain lugubre qui, d’un bout à l’autre, scande leurs aventures : « Nous reprenons la mer, l’âme navrée, contents d’échapper à la mort, mais pleurant les amis ». Textuellement ou avec des variantes, ce refrain ouvre chacun des épisodes et donne à tout le poème un ton de lamentation et d’épouvante : Virgile, imitateur fidèle, n’a pas manqué de faire gémir son pieux Énée à chaque rencontre. Les périples ne contiennent rien de tel et les marins n’ont pas l’habitude de prendre ainsi les choses ; dans les relations de leurs chefs ou dans leurs chansons de bord, éclatent d’ordinaire la confiance en soi, l’espérance du succès, la certitude que le courage et l’habileté triomphent de tous les ennemis et de toutes les difficultés :

Le trente et un du mois d’août,
Nous aperçûmes, sous le vent à nous,
Une frégate d’Angleterre,
Qui fendait la mer et les flots :
C’était pour aller à Bordeaux.

Le capitaine, au même instant,
Fit appeler son lieutenant :
« Lieutenant, te sens-tu capable,
Dis-moi, te sens-tu-z-assez fort
Pour aller attaquer son bord ? »