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brousser vers Circé l’italienne et la Terre des Morts toute voisine des Cyclopes, redescendre vers Charybde et le détroit de Sicile, en frôlant une troisième fois l’île d’Éole, et dériver enfin jusque chez Calypso l’espagnole, pour rentrer d’une traite à Corfou et en Ithaque, ce n’est pas suivre une ligne de périple : c’est se perdre en un écheveau de routes, qui n’ont au premier abord aucune direction d’ensemble, aucune liaison rationnelle.

Il est enfin une quatrième différence, sur laquelle il faut insister. Le périple d’Hannon signale sans doute les risques et les dangers, les monstres et les ennemis, que l’on doit affronter au cours du voyage : il parle « des hommes sauvages, vêtus de peaux de bêtes, qui cherchent à écraser les navires sous leurs jets de pierres », « des feux nocturnes qui remplissent la plaine », « des hurlements accompagnés de flûtes et de tambourins et des coulées de feu qui rendent la côte inabordable », etc. Mais il décrit aussi des parages heureux, des rives hospitalières, des aventures sans douleur et des débarquements sans aventure.

Les Récits, d’un bout à l’autre, sont comme une anthologie d’abominations. Otez les Lotophages : partout ailleurs, ce n’est que meurtres, noyades, assommades, scènes d’anthropophagie ou de magie noire, gueules de monstres et